extrait/Frank Hatem
article 1 : Il est obligatoire de jouer
article 2 : Ceux qui refusent de jouer ne sont pas éliminés : ils jouent quand même mais ne le savent pas.
article 3 : Le but du jeu est de cesser de jouer. Ceux qui ne voulaient pas s'en apercevront bientôt et verront que leur seul recours est de jouer.
article 4 : Il n'y a pas d'enjeu au jeu. Il n'y a pas non plus de gagnant car on n'a rien de plus avant qu'après. D'ailleurs, personne ne peut gagner car le but du jeu est inaccessible : il est déjà atteint par le simple fait de jouer. Vous jouez donc pour obtenir un résultat déjà acquis de toute éternité grâce à ce jeu obligatoire.Ceux qui joueront le plus et le plus vite seront ceux qui se rapprocheront le plus du but-non-jeu.
article 5 : La forme du jeu est sans objet. Peu importe le rôle, l'essentiel est d'en jouer un dans un univers permettant de le mettre en scène. Tous devront être joués en fin de compte. Il convient néanmoins de s'en réjouir. Ce n'est que dans la mesure ou l'on se réjouit de jouer un rôle que l'on peut passer au suivant et se rapprocher du but non-jeu.
article 6 : Un joueur qui, pour une raison ou pour une autre, ne se réjouirait pas du rôle qu'il joue souffrira tout au long du jeu. Il sera donc amené à se réjouir à un moment ou à un autre, même si sa résistance est grande.
article 7: Le nombre de joueur est indéfini.chaque joueur joue pour son propre compte en utilisant exclusivement les armes que lui fournissent ses adversaires. Pour mener un rôle à bien, il convient de donner aux autres joueurs tous les moyens d'accomplir leur propre rôle. C'est ainsi que la preuve est faite par le joueur qu'il est heureux de jouer son rôle. Lorsque tous les autres joueurs ont abouti à la joie dans leur rôle, le joueur a un point et peut passer à un autre rôle.
article 8 : Le joueur accumule les points de façon indéfinie. A aucun moment il ne compare ses gains à ceux de ses adversaires. Il ne saura qu'il a gagné que s'il cesse de jouer, ce qui est impossible.
article 9 : Au commencement du jeu, le joueur ne choisit pas un rôle. En fait, son rôle est déjà choisit lorsqu’il entre sur la scène. Il peut protester, dans ce cas, il retarde s joie et donc son changement de rôle. S’il ne proteste pas, c’est qu’il a compris qu’avant d’entrer dans ce jeu : il y était déjà. Les protestations donnent lieu à des gages : on tire une catastrophe au hasard, et l’on ne peut reprendre le cours du jeu que lorsqu’on l’a assumée, c’est-à-dire qu’on a reconnu qu’on ne l’avait pas tirée au hasard mais qu’elle correspond exactement à la nature de la protestation antérieure.
article 10 : La preuve du rôle à jouer est l’univers dans lequel le joueur se trouve à son entrée sur scène. Cet univers change chaque fois que le joueur l’accepte comme correspondant très exactement au rôle qu’il avait à jouer, et que lui a permis d’aider les autres joueurs à réaliser le leur. Un nouvel univers apparaît donc à chaque assomption de rôle.
article 11 : A force de se réaliser ainsi, le joueur comprend qu’il n’est pas le héros auquel il s’identifiait, mais l’auteur qui créer simultanément le héros et l’univers correspondant. Il cesse donc de jouer le héros et prend la place de l’auteur. Cela l’oblige à assumer les rôles de tous ses anciens adversaires à la fois qui sont tous issus du même auteur.
article 12 : Il commence donc un nouveau jeu : désormais il ne peut qu’aider les joueurs à gagner des points, par tout moyens. Mais il se heurte au fait que les joueurs, étant convaincus que l’univers dans lequel ils sont en scène, est indépendant d’eux et indifférent, et donc nient leur qualité d’auteur et l’existence-même de cette fonction.
article 13 : Pour gagner la partie, il faut que tous les joueurs se reconnaissent auteur unique. Pour atteindre ce résultat, je me mets de plus en plus dans la peau de chaque personnage individuellement. De plus en plus présent partout, je m’aperçois que je suis en train de jouer et que finalement, c’était déjà ce que je faisais avant de comprendre que j’étais l’auteur. A quoi a donc bien pu servir que j’ai conscience de mon univers, puis conscience de ma conscience d’univers, puis peut-être un jour conscience de conscience de conscience…
c’est sans doute la règle du jeu.
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